Pont Transbordeur :
Décret en date du 8 mars 1902, qui déclare d'utilité publique,
l'établissement d'un pont transbordeur, de type « à contrepoids et
articulations », pour relier les quais du Port et de la Rive Neuve,
l'invention de Ferdinan Arnodin, ingénieur constructeur à
Chateauneuf sur Loire (Loiret), son édification commença au mois de
novembre 1904 et fut inauguré le 15 décembre 1905 et mis en service
le 24 décembre 1905. Ce système de pont a pour intérêt de ne pas
perturber le trafic maritime; il consiste à faire passer d'une rive
à l'autre une nacelle suspendue à l'armature métallique du pont.
Le transbordeur a été
réalisé à partir de 1180 tonnes de câbles, de métaux ferreux et
accessoires. Il est composé de deux pylônes de 86,60 mètres de haut
et pesant 240 tonnes chacun. Il prenait appui sur le Quai de la
Tourette, côté Nord et pour le côté Sud, sur le Carénage (Fort Saint
Nicolas).
À 50 mètres au-dessus de la mer, le tablier de 239 mètres relie les
deux pylônes. Une nacelle de 120 m² et de 20 tonnes faisait la
navette entre les rives en 1 minute 30, et est propulsée par deux
moteurs de 25CV.
En haut se trouvait un restaurant de poissons où la bouillabaisse et
langoustes furent au menu et offrait une magnifique vue du port et
de ses alentours, mais faute de moyen pour assurer l'entretien, il
fut fermé dans les années 1930 et ne servait que de décor.
Les riverains utilisaient souvent le Transbordeur, plus rapide et
plus pratique que le Ferry-Boat (200 piétons et une automobile
pouvaient faire la traversée) et cela faisait économiser entre 4 et
5 km. Le passage des marchandises facilitait l'approvisionnement des
magasins qui se trouvaient autour du Quai du Port et des vieux
quartiers. Dans l'année, un million de voyageur et 50.000 voitures
étaient transportés.
Mr Arnodin était détenteur de la concession pour une
durée de 75 ans, à l'expiration de laquelle tous les droits devaient
retourner à l'État. Mais dès 1936, la suppression des installations
avait été envisagée par lettre du 25 mai 1936 à l'hoirie Arnodin qui
fait savoir à Mr le Directeur du Port qu'elle cède ses
droits pour 650.000 Frs. Une étude de remplacement du Pont
Transbordeur par un bac à piétons fut lancée. Le 5 mars 1940, le
Ministre des Travaux Publiques invite Mr le Directeur du
Port à engager des pourparlers afin que l'état rachète le pont et
supporte la charge de sa destruction. Le 3 avril 1940 un accord est
trouvé entre les Pouvoirs Publics et les héritiers Arnodin pour une
indemnité de 650.000 Frs, versée par la Chambre de Commerce de
Marseille; mais le ministre, chargé de la destruction, refusa cette
charge au mois de mai 1940.
L'office des Fers Fontes et
Aciers (O.F.F.A) en envisagera la démolition en 1943. Le 24 décembre
1943, un arrêté de réquisition de Mr le Ministre de la
Production Industrielle et des Communications a déclaré la prise en
possession des installations par l'O.F.F.A. qui lança, le 18 avril
1944 un appel d'offres pour acquisition en vue de la démolition du
Pont à Transbordeur.
Aucune suite n'a put être donnée à cet appel. Malgré la protestation
du correspondant de guerre allemand Waltther Kiaulehn (il comparait
le Pont à Transbordeur à la Tour Eiffel), le 22 août 1944, l'armée
allemande fait sauter le pont pour obstruer le port lors de la
bataille de Marseille, mais seul le pylône nord s'abat dans les
eaux. Dans l'esprit des Marseillais de l'époque, le pont
transbordeur était la Tour Eiffel de Marseille. D'autres le
considéraient comme un gâchis, et on vit certains peintres omettre
de représenter cet "amas de ferraille" sur des peintures illustrant
le Vieux-Port.
Le 22 juin 1945, un contrat de ferraillage est passé entre l'O.F.F.A
et la société Oxy-Coupages et Démolitions (O.C.D.) et stipulait que
le Pont à Transbordeur appartenait à l'O.F.F.A. et ainsi la partie
Sud du pont s'écroule le 1er septembre 1945, à 8h, à la
suite de la mise à feu, par les artifiers civils et militaires, de
400 kg d'explosifs.
L'achèvement complet des travaux des dégagements des ferrailles fut
constaté par procès verbal en date du 26 mars 1947.
La ville de Marseille n'a pu prétendre, sous aucune forme, à la
perception de dommages de guerre, du fait de la destruction du Pont
Transbordeur par les troupes d'occupation et qu'elle était au
courant des divers projets de démolition d'une installation qui ne
répondait plus aux besoins actuels du trafic.
C'est le cœur gros que les Marseillais ont vu disparaître, dans la
fumée, tant de souvenirs qu'ils ne pourront oublier. Le pont, qui
était la fierté de la Ville, a disparu comme beaucoup d'autres
monuments qui donnaient à Marseille son pittoresque et un
attachement profond aux "vieux Marseillais".